UN ÉTÉ 1936 À BIARRITZ
(Accueil)
Depuis une année, la " propagande " en faveur de
Biarritz a été intense : dépliants, encarts publicitaires dans la presse française et
étrangère, promotion radiophonique, et même film publicitaire. La campagne
de publicité a été financée par des souscriptions auprès des commerçants et,
surtout, par les casinos.
Tout est fait pour inciter le plus grand nombre de " gens de qualité
" à venir, de ces gens fortunés et têtes couronnées, attirés par la renommée
internationale de la station balnéaire. Les plages sont surveillées par les
Guides-Baigneurs. Le golf, lhippodrome, les casinos, leurs jeux et leurs spectacles,
le récent musée de la mer (1933), le futur terrain de polo, le concours de
lélégance automobile... sont les animations traditionnelles.
On va organiser pour la 1ère fois une " quinzaine aéronautique "
avec courses et démonstrations, et la Nuit Fantastique,
grandiose spectacle pyrotechnique sur la grand-plage (payant, 3f /personne),
renouvellera le succès de la 1ère Nuit Féerique de lan passé.
La municipalité envisage dorganiser une compétition automobile en
ville, avec les meilleurs spécialistes allemands et italiens, à linstar de Pau...
ou de Monaco.
Biarritz est prête, la Grande Saison peut commencer.
Pourtant, la situation nest guère brillante. Depuis 1930, le
nombre de touristes baisse (50.000 /an en moyenne). Les allemands, jadis gros bataillons
destivants, sont enfermés dans leur Reich, et les espagnols ne sont pas autorisés
à sortir de leur pays plus de 500 Pesetas /mois. Dans la plupart des pays dEurope,
les gouvernements limitent ou interdisent les voyages à létranger.
Alors on espère que limportante propagande touristique, qui a été
ciblée sur la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France, seuls pays libéraux de
lépoque, permettra de compenser.
Mais, à partir de 1931, la crise économique sest étendue, et la
bourgeoisie qui a depuis longtemps supplantée laristocratie estivale, nest
pas épargnée. En même temps, Cannes et surtout Deauville, proche de Paris, acquièrent
une réputation de 1er plan. Biarritz, qui vit essentiellement du tourisme et de son
immobilier (" la Grande Industrie "), sen ressent fortement.
Les hôtels ont même failli ne pas ouvrir ce 1er Juillet, du fait du conflit
entre les hôteliers et leurs personnels pour lapplication des nouvelles lois
sociales du Front Populaire qui gouverne depuis Mai. Et on nattend rien des congés
payés, linfrastructure d'accueil nest pas orientée vers cette clientèle.
Néanmoins, la municipalité présidée par Mr Hirigoyen (Liste de Concorde
et dAction Républicaine pour la Prospérité de Biarritz) se met à lair du
temps. Les gens modestes, ouvriers et employés, pourront bénéficier des cabines de mer
à des tarifs et horaires adaptés. Et on projette douvrir une auberge de jeunesse.
Latmosphère ambiante de ce début de saison mêle linquiétude
à linsouciance .
Si Biarritz a perdu son rang, elle reste brillante. De nombreuses
célébrités animent ses nuits : Sacha Guitry présente en 1ère - avant Paris ! - son
nouveau film " Le roman dun tricheur ", Serge Lifar et ses ballets,
Mireille, Tino Rossi... ; et les bourgeois nhésitent plus à visiter les ..fêtes populaires locales et à aller boire un coup au port des
pêcheurs.
Mais lévènement le plus important de cet Eté arrive
doutre-Bidassoa et va monopoliser la Une des journaux locaux, ainsi que les esprits.
Cest le début des " évènements dEspagne ". La frontière,
bientôt fermée, devient la 1ère attraction de la Côte Basque. Hendaye voit débarquer
des cars bondés de touristes et de curieux, avides dobserver et dentendre les
combats.
La répercussion dans la presse nationale et internationale de ce
début de guerre, donnant une - fausse - image peu sûre de la Côte Basque, va achever
une saison touristique déjà mal entamée. Le Maire de Biarritz aura beau écrire au
Ministre, diffuser communiqués de presse et messages radiophoniques, la rumeur persiste.
A lheure du bilan, fin août, lhôtellerie biarrote est
déclarée en détresse, le tourisme en crise. Biarritz compte 2.000 chômeurs - plus
quà Bayonne - sur 20.000 habitants. La municipalité obtient la création dun
fonds départemental du chômage pour remplacer laide communale qui narrive
plus à suivre. Et on réclame une vraie politique nationale du tourisme.
Les Basses-Pyrénées accueillent déjà 5.000 réfugiés espagnols (souvent
de la famille diparralde -"du nord", le Pays Basque français -), et de
nombreux autres sont priés de trouver un autre département de résidence.
La prospérité biarrote est perdue pour longtemps, mais on ne le
sait pas encore ; les travaux daménagement de la Côte des Basques seront bientôt
terminés et, afin de mieux satisfaire les touristes lan prochain, la route de la
Corniche devrait être réalisée.
(Top) |