Article écrit lors d'un stage au service Information-Communication de la mairie de Biarritz, et paru dans "Biarritz Magazine" d' octobre 1996. Travail passionnant qui a nécessité de me plonger dans les journaux de l' époque, et d' en synthétiser les informations que j' avais sélectionnées.

 

 UN ÉTÉ 1936 À BIARRITZ                                (Accueil)

   Depuis une année, la " propagande " en faveur de Biarritz a été intense : dépliants, encarts publicitaires dans la presse française et étrangère,   promotion radiophonique, et même film publicitaire. La campagne de publicité a été financée par des souscriptions auprès des commerçants et,  surtout, par les casinos.
   Tout est fait pour inciter le plus grand nombre de " gens de qualité " à venir, de ces gens fortunés et têtes couronnées, attirés par la renommée internationale de la station balnéaire. Les plages sont surveillées par les Guides-Baigneurs. Le golf, l’hippodrome, les casinos, leurs jeux et leurs spectacles, le récent musée de la mer (1933), le futur terrain de polo, le concours de l’élégance automobile... sont les animations  traditionnelles.
   On va organiser pour la 1ère fois une " quinzaine aéronautique " avec courses et démonstrations, et la Nuit Fantastique, grandiose spectacle pyrotechnique sur la grand-plage (payant, 3f /personne), renouvellera le succès de la 1ère Nuit Féerique de l’an passé.
   La municipalité envisage d’organiser une compétition automobile en ville, avec les meilleurs spécialistes allemands et italiens, à l’instar de Pau... ou de Monaco.
   Biarritz est prête, la Grande Saison peut commencer.

   Pourtant, la situation n’est guère brillante. Depuis 1930, le nombre de touristes baisse (50.000 /an en moyenne). Les allemands, jadis gros bataillons d’estivants, sont enfermés dans leur Reich, et les espagnols ne sont pas autorisés à sortir de leur pays plus de 500 Pesetas /mois. Dans la plupart des pays d’Europe, les gouvernements limitent ou interdisent les voyages à l’étranger.
   Alors on espère que l’importante propagande touristique, qui a été ciblée sur la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France, seuls pays libéraux de l’époque, permettra de compenser.
   Mais, à partir de 1931, la crise économique s’est étendue, et la bourgeoisie qui a depuis longtemps supplantée l’aristocratie estivale, n’est pas épargnée. En même temps, Cannes et surtout Deauville, proche de Paris, acquièrent une réputation de 1er plan. Biarritz, qui vit essentiellement du tourisme et de son immobilier (" la Grande Industrie "), s’en ressent fortement.
   Les hôtels ont même failli ne pas ouvrir ce 1er Juillet, du fait du conflit entre les hôteliers et leurs personnels pour l’application des nouvelles lois sociales du Front Populaire qui gouverne depuis Mai. Et on n’attend rien des congés payés, l’infrastructure d'accueil n’est pas orientée vers cette clientèle.
   Néanmoins, la municipalité présidée par Mr Hirigoyen (Liste de Concorde et d’Action Républicaine pour la Prospérité de Biarritz) se met à l’air du temps. Les gens modestes, ouvriers et employés, pourront bénéficier des cabines de mer à des tarifs et horaires adaptés. Et on projette d’ouvrir une auberge de jeunesse.
   L’atmosphère ambiante de ce début de saison mêle l’inquiétude à l’insouciance .

   Si Biarritz a perdu son rang, elle reste brillante. De nombreuses célébrités animent ses nuits : Sacha Guitry présente en 1ère - avant Paris ! - son nouveau film " Le roman d’un tricheur ", Serge Lifar et ses ballets, Mireille, Tino Rossi... ; et les bourgeois n’hésitent plus à visiter les ..fêtes populaires locales et à aller boire un coup au port des pêcheurs.
   Mais l’évènement le plus important de cet Eté arrive d’outre-Bidassoa et va monopoliser la Une des journaux locaux, ainsi que les esprits. C’est le début des " évènements d’Espagne ". La frontière, bientôt fermée, devient la 1ère attraction de la Côte Basque. Hendaye voit débarquer des cars bondés de touristes et de curieux, avides d’observer et d’entendre les combats.

   La répercussion dans la presse nationale et internationale de ce début de guerre, donnant une - fausse - image peu sûre de la Côte Basque, va achever une saison touristique déjà mal entamée. Le Maire de Biarritz aura beau écrire au Ministre, diffuser communiqués de presse et messages radiophoniques, la rumeur persiste.
   A l’heure du bilan, fin août, l’hôtellerie biarrote est déclarée en détresse, le tourisme en crise. Biarritz compte 2.000 chômeurs - plus qu’à Bayonne - sur 20.000 habitants. La municipalité obtient la création d’un fonds départemental du chômage pour remplacer l’aide communale qui n’arrive plus à suivre. Et on réclame une vraie politique nationale du tourisme.
   Les Basses-Pyrénées accueillent déjà 5.000 réfugiés espagnols (souvent de la famille d’iparralde -"du nord", le Pays Basque français -), et de nombreux autres sont priés de trouver un autre département de résidence.

   La prospérité biarrote est perdue pour longtemps, mais on ne le sait pas encore ; les travaux d’aménagement de la Côte des Basques seront bientôt terminés et, afin de mieux satisfaire les touristes l’an prochain, la route de la Corniche devrait être réalisée.

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